Appel à Comité de soutien à Wolf Jäcklein


Depuis deux mois, Wolf Jäcklein, délégué du personnel CGT et salarié à IBM Toulouse subit de la part de sa direction régionale des tentatives d'intimidation. Pour avoir communiqué les détails du plan social en cours auprès de ses collègues sur le réseau interne de l'entreprise, il a été mis à pied le 20 mai dernier. Le même jour, la direction lui signifie qu'elle engage une nouvelle procédure disciplinaire "pouvant aller jusqu'au licenciement", car il a distribué les tracts de son syndicat lors d'une conférence-débat auprès des étudiants de l'Université de Sciences Sociales à Toulouse le 12 mai : en dépit du plan social en cours, le vice-président marketing monde de la division logiciels d'IBM est à la tribune sur l' « Internationalisation des diplômes : Quelles perspectives pour votre emploi ? (Les salaires et les secteurs qui embauchent). » Des cartons d’invitation avaient été distribués à l’ensemble des personnels d’IBM à Toulouse. Prétextant la présence de clients potentiels, la direction ignore la responsabilité de la CGT dont les documents portent pourtant le logo pour reprocher personnellement à Wolf Jäcklein des propos diffamatoires à l'égard de la PDG d'IBM France, et non loyaux à l'encontre du programme « Diversité et Inclusion » de l'entreprise.

La procédure en cours soulève les trois problèmes suivants :

(1) Le droit des salariés à s'organiser dans le syndicat de leur choix
Pour mémoire : La CGT n'est présente sur le site toulousain d'IBM que depuis deux ans, formée par Wolf Jäcklein, vite rejoint par quelques collègues. Elle obtient néanmoins 22% des voix aux élections d'avril 2005. Le plan social en cours génère une forte mobilisation à IBM Toulouse, vite relayée par la presse où apparaissent les noms de Wolf Jäcklein et de la CGT, au cours des journées de grève et de manifestation qui, généralement, sont très rares à IBM. Dans ce climat social tendu exceptionnel, la direction entend bien viser l'individu par une série de sanctions exemplaires, équivalant à une véritable répression syndicale : Les griefs à l’encontre de Wolf Jäcklein servent d’ailleurs de prétexte pour étouffer les voix discordantes des personnels et rétablir le train-train « officiel » dans les rapports de la direction aux syndicats à IBM Toulouse.
(2) Le détournement par IBM d’un événement public organisé dans une université
Si le carton d’invitation à la « conférence-débat » vise explicitement des « Etudiants, futurs cadres », la direction avance dans ses reproches à Wolf Jäcklein « une réunion au cours de laquelle IBM en tant que partenaire accueillait des clients et des clients potentiels ». Lieu public, l’université est un établissement de formation au service du public, mais pour l’entreprise, elle devient un forum de recrutement et de contact pour des clients potentiels. Ainsi, la participation intéressée d’IBM n’est pas l’œuvre d’une conception philanthrope ou citoyenne du rôle de l’entreprise. L’engagement social est relégué au rang de prétexte pour la poursuite d’objectifs commerciaux, ce qui fausse la participation de l’Université de Toulouse 1. Plutôt que sur l’utilité d’une réunion d’information pour étudiants (futurs ‘jeunes diplômés’ bientôt sur le marché de l’emploi), le partenariat d’IBM assume une vocation mercantile : le détournement consiste à considérer les étudiants présents à cette conférence, ainsi que les autres « partenaires » de l’événement, comme de simples pions dans une politique de communication visant à trouver de nouveaux clients. Loin d’un simple service rendu dans le cadre de la formation des étudiants, la stratégie d’IBM joue de cette contradiction avec l’objet d’une « conférence-débat » publique, et dont les règles générales impliquent par définition la liberté d’expression de tous les participants.
(3) L’articulation entre liberté d’entreprendre et liberté d’expression
Comme toute entreprise privée d’implantation internationale, IBM fonde sa stratégie industrielle et commerciale sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie où le démarchage de la clientèle est libre. Cela vaut aussi lorsque est mise en avant la présence « de clients » à une conférence sans rapport direct avec la vente ou les produits. Que, dans un tel contexte, IBM entende maîtriser, voire censurer, l’expression publique de ses salariés relève tout autant des libertés fondamentales : en jouir à des fins privées, celles de l’entreprise, présuppose qu’on en réprime pas l’usage équivalent par une personne physique, fût-elle salariée de l’entreprise. À moins que, suivant une interprétation très singulière du droit et des libertés, l’entreprise soit soudain investie d’une autorité absolue s’étendant au-delà de son propre domaine pour englober tout l’espace public en vue d’y contrôler les expressions individuelles et les opinions…


La procédure disciplinaire en cours à l’encontre de Wolf Jäcklein, plutôt qu’à l’encontre de la CGT, illustre tristement le rôle qu’une direction d’entreprise pense pouvoir tenir dans la société contemporaine. L’exercice de l’activité commerciale d’IBM repose sur ses droits en tant qu’acteur dans la société, mais en contrepartie, elle doit respecter pour en jouir ses obligations envers les autres acteurs. Force est de constater que l’entreprise ne veut pas s’embarrasser d’une telle réciprocité : tout lui est dû, rien qui lui « coûte » n’a de légitimité. Etouffer, censurer ou réprimer l’expression libre de ses salariés devient banal et naturel. Outre l’aspect personnel des attaques, la répression vise aussi une organisation syndicale, et met à jour une conception particulièrement autoritaire des rapports sociaux.

La formation d’un comité de soutien à Wolf Jäcklein découle de ces réflexions.


Comité de soutien :
Pas de sanction pour Wolf Jäcklein !

Par deux fois en deux mois, Wolf Jäcklein est victime d’une procédure disciplinaire, engagée à son encontre par la direction régionale d’IBM France, son employeur.
Une première fois, une mise à pied d’une journée lui est imposée le 20 mai, pour avoir divulgué à ses collègues les détails d’un plan social à venir chez IBM.
Par la suite, une deuxième procédure lui est communiquée, "pouvant aller jusqu'au licenciement", pour avoir distribué un tract sur les conditions de travail chez IBM lors d’une conférence à l’université de Toulouse 1, à laquelle IBM participe.
La direction vise en réalité l’engagement syndical de Wolf Jäcklein à la CGT, dont elle tente de limiter l’influence à Toulouse.
La direction d’IBM remet en cause l’exercice d’une liberté publique.
Plus largement, les procédures en cours dénoncent une interprétation partiale et unilatérale des libertés fondamentales par la direction d’IBM. D’un côté, elle se réclame de la liberté du commerce et de l’industrie, de l’autre, elle compte réprimer la liberté d’expression de ses salariés. C’est une attitude absolutiste, qui relève d’un autre temps.
La violation de la liberté d’expression et de la liberté syndicale vise plus largement l’ensemble des salariés d’IBM France et les citoyens que nous sommes. Il n’est pas acceptable que les libertés fondamentales soient remises en question par la direction d’une entreprise privée.
La position de la direction d’IBM ne saurait être justifiée : on ne peut se réclamer des libertés fondamentales afin d’exercer son commerce, tout en cherchant à les supprimer ou à les limiter chez ses propres salariés.
Les signataires de cet appel mettront tout à l’œuvre pour empêcher qu’une sanction soit prononcée contre Wolf Jäcklein.